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Photo du rédacteurBéatrice BISSIER

CYCLE FEMININ AU QUOTIDIEN -TEMOIGNAGES


Comment dans la réalité du quotidien est vécu ce cycle ?


Pour répondre à cela j’ai interrogé nombre de femmes sur leur vécu de leur cycle, et leur ressenti. Lorsque ces femmes étaient thérapeutes, je leur ai demandé de préciser si elles avait perçu des incidences sur leur manière d’être dans l’accompagnement. Parmi les témoignages qui m’ont été retournés, j’en ai choisi deux qui m’ont paru représentatifs.


Je ne peux que constater que beaucoup des femmes interrogées sur leur vision de leur cycle redoutent les phases d’introspection, et se jettent à corps perdu dans de nouveaux projets, nouvelles expériences, nouvelles aventures, ne se sentent reconnues que dans cet aspect du principe masculin de « produire vers l’extérieur », de démonstration..

Les phases de repli, plus proches du principe féminin, sont encore trop souvent tues, niées, tournées en dérision ou empreintes de culpabilité.


Les termes utilisés pour définir les règles – les anglais débarquent - les ragnagnas, les ragnes - avoir ses ours - une scène de crime dans mes culottes - être dans ses crottes - être indisposée

sont peu honorifiques et teinté de rires ironiques ou gênés. Le simple fait d’éviter de nommer les termes qui entourent les menstruations sous-entend qu’ils ne doivent pas être dits à voix haute, qu’ils sont source de gêne et de honte..


La plupart des femmes, de 25 à 60 ans, qui ont accepté de me parler de leur expérience n’ont pas prêté attention aux différentes énergies qui régissent leur cycle, n’ont pas de ressenti particulier hormis déplaisants : humeur maussade, contrariété, irritabilité et douleurs, et vivent leurs menstruations à la fois comme une libération et un fardeau. La puberté n’a pas été sacralisé et aucun rituel effectué ; les règles restent une calamité à endurer chaque mois.

Voici un premier témoignage d’un femme d’une soixantaine d’années, thérapeute qui a accepté de se confier. J’ai choisi ce témoignage comme représentatif d’une génération de femmes et symbole d’un héritage individuel et collectif d'une féminité souillée, culpabilisante et détournée de son sens profond.



Témoignage de Jeanne


J'ai eu mes premières règles assez jeune, vers 9/10 ans. Ma mère m'avait déjà informée donc je n'ai pas été étonnée, sauf que j'ai eu très, très mal au ventre dès le premier jour. Je suis donc restée chez moi et au lit, pliée en deux, avec des bouillottes et quelques cachets anti-douleurs qui ne faisaient pas grand chose, presque une semaine, la durée de ces règles. Elles étaient également abondantes, ce qui n'est pas très pratique, surtout qu'au tout début ( 1960) j'utilisais des tissus qui se lavaient et non des serviettes à jeter, qui sont apparues un peu plus tard.

Ca commençait mal et cela a duré toute ma vie. Pour moi la ménopause a été une délivrance.(…)

Je les sentais arriver car j'étais fatiguée et je ressentais des lourdeurs, de la déprime, je pleurais facilement, j'étais nerveuse, irritable et j'avais mal à la tête. Le premier jour, au moment où mes règles arrivaient il y avait comme un soulagement temporaire. C'était comme si on relâchait un barrage et que l'eau pouvait, enfin, s'écouler. Mais la douleur était toujours là et donc la journée au lit avec les bouillottes sur le ventre et aux pieds, aussi. En vieillissant les jours douloureux sont devenus moins nombreux, jusqu'à ne durer que le premier jour.


J'ai pu expérimenter la force du psychisme sur le corps grâce à mes règles. J'avais 21 ans et c'était mon premier stage en vu de mon futur métier. Pendant deux mois je devais être sur le terrain et opérationnelle. Donc pas question pour moi de m'arrêter pour raison de règles douloureuses.

Et bien pendant ces 2 mois, non seulement je n'ai pas senti venir mes règles, mais je n'ai pas eu mal au ventre. Le mois après la fin du stage les douleurs ont repris. J'ai donc eu deux mois sans douleurs de règles dans ma vie.

Un médecin gynécologue m'avait dis que ça irait mieux quand j'aurai eu mon premier rapport, que nenni ! un enfant.... je n'en ai pas eu !

J'ai été enceinte une fois, mais après l'avortement ça a recommencé comme avant.

Pilules, stérilets rien n'y a fait. C'est comme cela. Tu vis avec.

J'ai vécu au rythme de mes règles, en redoutant parfois leur venues car les circonstances ne s'y prêtaient pas. Je tenais compte de ce facteur lorsque je devais faire quelque chose d'important où je devais être en forme.(…)

Quelques fois je n'ai pas bien senti les symptômes qui les annonçaient et alors je me retrouvais, sans serviettes, sans tampons et c'était la panique. Une fois, je n'avais pas mis une serviette assez absorbante et je suis ressortie du cinéma en ayant taché le fauteuil et ma robe.... la honte.

Comme je ne voulais pas d'enfant, n'en ayant pas le désir, ni le besoin, j'ai vécu mes règles comme une contrainte inutile. A 40 ans j'ai voulu me faire ligaturer les trompes et ma gynéco n'a pas voulu. Elle me trouvait encore trop jeune. Je ne suis pas allée voir ailleurs car, de toutes les façons je n'aimais pas que l'on me touche (opère) le ventre, et j'ai donc continué de subir, disons le mot, ce calvaire, jusqu'au bout.


La ménopause est venu assez tard (en plus)...

J'ai eu une pré-ménopause longue, avec irritation, nervosité, insomnies, maux de tête et bouffées de chaleur, mais, heureusement, avec peu de transpirations.

Cette période a aussi été désagréable pour moi. Non pas parce que je n'avais plus mes règles ou parce que je vieillissais ou parce que je perdais quelque chose de ma féminité, mais pour tous ces petits désagréments. Par contre j'avais peu de règles, presque plus douloureuses, plus sporadiques, peu abondantes et ça c'était la cerise sur le gâteau. J'attendais avec impatience l'arrêt complet.


Pour moi la ménopause était une porte qui s'ouvrait, non pas vers la fin de ma vie , mais vers le début d'une liberté, d'un épanouissement qui ne pouvait que continuer à se développer vers le haut et le mieux. (…)



J'aurai vécu cette contrainte, pendant environ 45 ans de ma vie.

(le premier mot qui m'est venu est : PUNITION. Intéressant, n'est-ce pas ?)


Notre culture des menstruations féminines est une culture de rejet et de honte plutôt que d'accueil de ce cycle naturel. Je n'ai pas dérogé à cela. J'aime beaucoup l'expression chamanique "avoir ses lunes", cela devient poétique et naturel. Quand j'avais mes règles (pourquoi ce nom ?) je n'aimais pas la sensation chaude et humide du sang, entre mes jambes, sensation provoquée par l'usage des serviettes hygiéniques pleines de sang. Je trouvais cela sale. Pas le phénomène en lui-même, mais le sang qui séchait un peu, qui devenait noir, et l'odeur, etc… Et, j'ai été surprise de rencontrer des hommes qui aimaient faire l'amour avec une femme qui avait ses règles, même abondantes. Je me demandais quel plaisir il pouvaient avoir à mettre leur sexe dans un vagin plein de sang…? A eux de répondre. Je l'ai fait deux fois et après j'ai toujours dis non, car moi, ça ne me convenait pas."



Un autre témoignage d’une femme, ex-thérapeute, entre 30 et 40 ans, en lien avec les énergies de son cycle, fait apparaître une belle conscience des possibilités qu’offrent nos énergies en fonction de leur flux.


Ce fut une des seules réponse de femme ayant établi une communication entre les différentes phases de ses énergies féminines et les possibilités d’utilisation en accompagnement thérapeutique.

Témoignage de Marie


« J'ai remarqué qu'approximativement 10 jours avant mes règles je suis plus dynamique, voir un peu plus tendue. Lorsque j'étais thérapeute j'étais donc plus portée vers l'action dans ces phases là et je pense pouvoir dire que j'étais plus provocante avec mes patients. J'allais les chercher plus dans leur structure et leur résistances. Alors que dès que mes règles commencent, ça lâche en moi. Je suis beaucoup plus posée. En tant que thérapeute j'étais alors beaucoup plus dans l'accueil, l'acceptation, la sagesse du temps qui a besoin de faire son travail dans les jours qui suivaient mes menstrues. Je pense que le jour où je me sens le plus connectée aux dimensions trans-personnelles est le jour de mes règles, comme si mon enveloppe est plus perméable, je me sens plus sensible et réceptive au subtil. Et le jour où je suis le plus ancrée dans la réalité est sûrement le pic au milieu de mon cycle où là j'ai plus la pêche et je suis plus enclin à gérer la réalité du monde tel qu'il est ».



Aujourd'hui, les choses ont bien changé et les consciences ont évolué dans les pays occidentaux grâce aux associations féministes et, on le voit aujourd'hui encore, avec les mouvements "me too" qui s'élèvent contre les violences sexuelles, ou encore la lutte des femmes pour faire reconnaître l'endométriose.

Les cercles de femmes, les tentes rouges participent à la libération de ces paroles de femmes autour de leurs cycles menstruels.

Malgré tout, il convient de rester vigilantes et d'oeuvrer au quotidien pour que ce féminin prenne la place qui lui revient, ni plus, ni moins.

Et cela passe par la parole, l'information, l'éducation, de nos filles mais aussi de nos garçons. Il est de notre devoir de leur transmettre la réelle signification des menstruations, le rôle absolu qu’elles occupent dans le cycle de la vie.

Pour ce faire, employons un vocabulaire positif et adéquat comme vagin, vulve, sang, menstruations, culottes menstruelles, création de la vie, cycle menstruel. Finies les paraboles et les tournures autour du bol pour s’exprimer.

Ainsi, enseignons leur qu’il n’y a pas de gêne à en parler et aidons les à développer une relation saine, respectueuse et ouverte avec les menstruations.

Incarnons l’exemple que nous voulons perpétuer.

Honorons ce magnifique processus qui assure la pérennité de la vie sur notre planète.


Béatrice Bissier

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